Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cercle de Silence 84
Cercle de Silence 84
  • L'antenne du Vaucluse du Réseau Éducation Sans Frontières, associée à d'autres associations, organise des "Cercles de Silence", pour protester contre la politique menée à l'encontre des Sans-Papiers, et relaie des informations concernant les migrants.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
28 septembre 2009

Simulacre de justice à Nîmes pour les Afghans : toutes les requêtes sont rejetées

Simulacre de justice à Nîmes pour les Afghans : toutes les requêtes sont rejetées.

Suite samedi à partir de 8h au TA.

Le procureur ayant fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention, 14 afghans sont donc passés aujourdhui devant le tribunal administratif. Les audiences avaient lieu dans 2 salles, avec 2 juges au comportement bien différent. Mais le résultat fut le même : toutes les requêtes ont été rejetées. Tous les afghans sont retournés au CRA.

Les audiences reprennent samedi à partir de 8h, au tribunal administratif (grandes grilles grises à droite juste en sortant de la gare).

Nous devons être présents pour témoigner !!!

Ce qui sest passé aujourdhui au TA de Nîmes fut HALLUCINANT ! Une parodie de justice, expéditive, scandaleuse, honteuse, révoltante !

Expéditive : 5 personnes convoquées par heure, soit 12 mn prévues pour chacune dentre elles !

Scandaleuse : interprète incompétent, dossier égaré, avocats débordés, refusant de traiter des dossiers quils navaient pas eu le temps dexaminer.

Honteuse : TOUTES les requêtes ont été rejetées, y compris les demandes de reconnaissance de minorité, y compris les demandes dasile, par manque de preuve !

Révoltante : Nous devons dénoncer ce qui sest passé !

Jusquen milieu daprès-midi, linterprète présent ne maîtrisait pas le pashtou, langue parlée par la grande majorité des afghans présents à Nîmes, mais seulement le dali (les 2 langues officielles de lAfghanistan). Lorsque linterprète a bien voulu reconnaître son incompétence, cela na pas empêché le juge de maintenir laudience en cours. A lobjection dun avocat, Mme la juge a répondu, agacée : « oui, on a bien compris quil y avait un problème de traduction ». Et laudience sest poursuivie ! 

Lorsquenfin un interprète est arrivé, un des juges a accordé le temps nécessaire aux avocats pour sentretenir avec les 5 personnes quils défendaient. Quant à Mme la juge, elle a généreusement accordé 30 mn pour les 5 personnes présentes : soit 6 mn par personne, 6 pauvres minutes pour raconter à leur avocat, via linterprète, le parcours infernal qui avait été le leur, pourquoi ils avaient quitté leur pays, les menaces qui pesaient sur eux et sur leur famille, certains étant menacés de mort par les talibans, dautres par le gouvernement actuel (leur père était taliban), dautres encore par les deux à la fois ; comment ils étaient passés par la Grèce, où leurs empreintes digitales avaient été enregistrées, souvent de force ; pourquoi ils navaient pas déposé une demande dasile à leur arrivée en France, on leur avait expliqué quils ne devaient pas déposer une demande dasile car ils seraient renvoyés en Grèce où les demandes dasile sont rejetées ; pourquoi ils seraient en danger sils retournaient en Afghanistan. « Si vous me renvoyez en Afghanistan, je me suiciderai » a dit lun deux. Certains ont dit avoir 16 ans, 17 ans : sans doute nont-ils pas pu le dire avant, faute dinterprète. Certains sanglotaient désespérément, effondrés sur le banc des accusés (cest comme ça que ça sappelle non ? Le banc des accusés. Voilà comment sont considérés ces demandeurs dasile : des accusés.)

Pour chacun dentre eux, lavocat a plaidé lincompétence du Préfet qui a rendu lAPRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière). En effet, les afghans ont été arrêtés dans le département du Pas de Calais sous le motif doccupation illégale dun terrain privé. Mais le constat de lirrégularité de leur séjour (absence de papiers) a été fait dans le département du Nord. Et cest le Préfet du Pas de Calais qui a signé lAPRF. Or lAPRF doit être rendu dans le département où a été constaté lirrégularité du séjour. Ce constat na pas été fait à Calais, mais à Lille. Dailleurs plusieurs personnes ont été relâchées à Lille lorsquon a découvert quelles étaient en possession de papiers. Bien sûr ils ont aussi plaidé le fait que lAfghanistan était un pays en guerre, etc etc.

Pour ceux qui avaient bénéficié de lassistance dun interprète maîtrisant leur langue, certains avocats ont pris le temps de raconter le parcours terrible qui avaient été le leur : un jeune de 18 ans dont le père, commandant dune organisation islamiste (considérée comme terroriste), avait disparu, et lui était menacé à la fois par les islamistes qui lui demandait de « remplacer » son père comme le veut la tradition, mais aussi par les forces gouvernementales qui le considéraient comme un islamiste ; un jeune de 17 ans, arrivé il y a 7 mois en France, dont le père, officier de sécurité, avait été tué par les talibans : sa voiture avait explosé sous une bombe, et la famille navait récupéré que « des morceaux » du corps. Ces deux jeunes, héritiers des engagements politiques opposés de leur père, se serraient lun contre lautre, apeurés, penchés vers linterprète qui traduisait en chuchotant les paroles de lavocat. Et puis dautres encore : un écrivain trop engagé, un autre jeune de 16 ans, deux autres dont les frères ont été tués Tous disaient quils avaient fui leur pays car ils y étaient en danger. 

Mais à quoi bon finalement ? Cest vrai que la présence de linterprète nétait pas indispensable puisque finalement TOUS LES RECOURS ONT ETE REJETES, Y COMPRIS LES DEMANDES dASILE ! Y compris les demandes de vérification de lâge pour les mineurs. 

Mme la juge a simplement rejeté les requêtes, sans explication.

M. le juge a estimé que le constat de lirrégularité du séjour avait bien eu lieu dans le Pas de Calais. De plus la demande dasile nétait étayée par aucun élément dans le dossier, le récit oral ne suffisait pas. Il a rajouté : « désolé, je ne peux pas faire autrement. Ils peuvent faire appel, mais les délais sont trop longs : ils seront déjà en Afghanistan. Tout est trop tard ».

Je sors du tribunal. La nuit est tombée. Je tremble, deffroi plus que de froid. De révolte aussi. Non, tout nest pas trop tard ! Nous ne pouvons pas accepter cette parodie de justice. Les expulsions collectives sont interdites, mais ce qui sest passé, aujourdhui au tribunal administratif de Nîmes, hier dans la jungle de Calais, rentre bien dans cette logique de traitement de masse : arrestations en masse à Calais, procédure durgence déclenchée à Nîmes où près de 40 personnes sont jugées de façon expéditive, sans que les moyens nécessaires à un traitement véritablement individuel soient permis : la parole de chacun ne peut être entendue faute de traducteurs et faute de temps. Bien sûr il y a Dublin II, il y a lEurope Forteresse, et les Droits de lHomme bafoués tous les jours. Mais aujourdhui à Nîmes un pas de plus a été franchi : ces hommes avaient déjà été jugés avant même de passer devant le tribunal. Tout était déjà trop tard avant même quils ne soient jugés !

Les audiences se poursuivent demain : nous devons être présents pour témoigner de ce simulacre de justice !

Ah, joubliais : les mineurs (déclarés mineurs avant le JLD) ont bien été hébergés dès leur arrivée dans des foyers. Sauf. sauf ceux qui avaient la gale, qui ont été jetés à la rue, pieds nus, à 1h du matin. Ils ont été pris en charge par la Cimade.

Et puis quand même une bonne nouvelle : un afghan a été relâché hier. Il avait fait sa demande dasile politique AVANT de passer devant le JLD.

Voilà, cest juste une réaction rédigée très rapidement, un compte-rendu plus détaillé, complété par les notes prises par dautres témoins (dont Gilbert et Suzanne, venus du fin fond du Vaucluse) suivra.

Pascale 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité