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Cercle de Silence 84

Cercle de Silence 84
  • L'antenne du Vaucluse du Réseau Éducation Sans Frontières, associée à d'autres associations, organise des "Cercles de Silence", pour protester contre la politique menée à l'encontre des Sans-Papiers, et relaie des informations concernant les migrants.
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13 octobre 2009

Nobel de la mégalomanie

La liste des candidats au prix Nobel de la Paix 2009 était longue, on parle de plus de 200 noms. Parmi la liste des prétendants à ce prix théoriquement prestigieux, se trouve un certain Nicolas Sarkozy. Et là, franchement, je ne comprends pas. Attention, j’essaye de ne pas prendre position sur son orientation politique et ses choix, mais de voir objectivement quelles raisons ont pu amener à le positionner en tant que candidat de la Paix, sans remettre en question (ici du moins) ses éventuelles contributions positives par ailleurs.

Car on parle d’un homme n’ayant par exemple aucun scrupule à soutenir et recevoir dictateurs et criminels de guerre reconnus, insistant pour renvoyer des « sans-papiers » vers l’Afghanistan (pays en guerre, faut-il le rappeler ?), et ayant réussi à faire perdre à la France en quelques années, entre son passage au ministère de l’Intérieur et son début de présidence, près de quarante places dans des classements internationaux concernant les droits de l’homme et la liberté de la presse. On parle de ses actions au Proche-Orient, de ses négociations pour faire libérer certaines personnes… alors qu’il s’agit de simples coups médiatiques, des occasions évidentes de vendre des armes et du matériel militaire ! Et je ne rentre même pas dans le détail de son comportement et de ses actions à tous les niveaux de la société et de la justice françaises. Qu’un tel homme soit ne serait-ce qu’envisagé pour le Nobel de la Paix jette un sérieux discrédit sur l’ensemble de cette institution. Et s’il avait été retenu, cela l’aurait complètement déshonorée.

Frédéric

PS : M. Sarkozy a encore confirmé l’expulsion d’Afghans vers leur pays en guerre, au grand mépris non seulement de la décence et des droits de l’homme, mais aussi de la Convention de Genève, dont l’article 33 stipule « Défense d'expulsion et de refoulement : Aucun des Etats Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

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8 octobre 2009

BUG BROTHER par Jean Marc MANACH : Qui surveillera les surveillants ?

26 septembre 2009 : Calais: des réfugiés aux doigts brûlés

Pour ne pas être reconnu par les systèmes automatisés d’identification biométrique, le héros de Minority Report <http://fr.wikipedia.org/wiki/Minority_Report>  se faisait transplanter de nouveaux yeux.
L’histoire se passait en 2054. Suivant la même logique, le tiers des demandeurs d’asile reçus aux permanences de la sous-préfecture de Calais en ce début d’année 2009 se mutilent eux aussi les doigts,
afin d’en “effacer” leurs empreintes digitales… Le phénomène est bien connu, tant par les policiers, les autorités que par les ONG qui viennent en aide
aux réfugiés, mais personne ou presque n’en avait parlé, et aucun article de presse ou billet de blog n’y avait expressément été consacré.

Le Monde Diplomatique, dans sa “valise diplomatique <http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/> “, vient de m’en offrir l’opportunité : pour éviter d’être identifiés par les policiers, et donc “reconduits” dans
le pays où ils ont préalablement été arrêtés -et où leurs empreintes ont donc déjà été fichées-, un grand nombre de réfugiés préfèrent brûler leurs doigts au fer rouge, avec des clous chauffés à blanc, de
l’acide sulfurique ou de produits chimiques plus ou moins divers, des rasoirs de type “Bic“, du plastique ou du papier de verre, pour éviter de “voir leur corps se transformer en un élément qui joue en leur
défaveur“…

Voir Les “doigts brûlés” de Calais <http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2009-09-25-Calais>.
En 2003, les Big Brother Awards (dont je suis) avaient nominé <http://bigbrotherawards.eu.org/STERIA.html>  la société Steria, en charge du volet biométrique du
système Eurodac <http://fr.wikipedia.org/wiki/Eurodac>  (lui aussi nominé <http://bigbrotherawards.eu.org/Systeme-Eurodac-fichier-demandeurs.html>  cette année-là), une base de
données biométrique -ou, plus précisément “décadactylaire” (les dix doigts plus la paume)- répertoriant, au 31 décembre 2007, 1 005 323 (.doc
<http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=SEC:2008:2982:FIN:FR:DOC> , .pdf <http://www.statewatch.org/news/2009/jan/eu-com-eurodac-annual-report.pdf> ) demandeurs d’asile et
immigrants clandestins -de 14 ans, au moins… Steria vantait alors l’exceptionelle efficacité de son système, “capable de traiter 500 000 comparaisons
par seconde avec un taux de précision de 99,9%“. Depuis, le règlement européen Dublin II <http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Dublin>  a permis de mettre à éxécution la procédure de
“réadmission” de ceux qui ont préalablement été fichés. Le taux d’erreurs (.pdf) <http://www.forumrefugies.org/fr/Europe-et-International/Le-droit-d-asile-en-Europe/La-premiere-phase-d-harmonisation/Dublin-Eurodac>  ? 6%…

40 180 réfugiés ont ainsi été identifiés entre 2003 et 2005, mais seuls 16 842 ont pu être “réadmis” dans le pays (généralement la Grèce, ou l’Italie) qui les avait préalablement fichés. 42% des réfugiés fichés
ont donc réussi à échapper à la procédure de “réadmission“, pour la simple et bonne raison qu’une fois identifiés, nombreux sont ceux qui préfèrent prendre la poudre d’escampette plutôt que d’être “expulsés“…
D’un autre côté, ces mutilations ne servent pas à grand chose… Non seulement les empreintes digitales se reforment assez rapidement, entraînant certains réfugiés à se brûler les doigts “environ une fois par
mois“, mais elles n’empêchent pas forcément non plus les policiers de les identifier, ne serait-ce que parce qu’ils peuvent aussi être reconnus par les empreintes de leurs paumes… entraînant les réfugiés à se
brûler, non seulement les doigts, mais aussi l’intérieur de leurs mains.

“No comment <http://nocomment.lefilm.free.fr/> ” (Grand Prix du Documentaire au Festival International du Film des Droits de l’Homme de Paris en 2009), réalisé en 2008 par Nathalie Loubeyre et Joël Labat et
consacré aux migrants cherchant, depuis Calais, à atteindre le Royaume-Uni, montrait comment les réfugiés se mutilent les doigts, au fer rouge, ou au papier de verre -séquences qu’ils m’ont autorisé à mettre en
ligne <http://www.youtube.com/view_play_list?p=07C021E282919195&playnext=1&playnext_from=PL> : En août 2008, Julie Rebouillat, du collectif de photo-reporters Contre-faits, publiait cette photo
<http://www.contre-faits.org/spip.php?article78&textforum=x&pas=1&grande=18>  :

Continuellement, un feu est gardé allumé. Il permet de chauffer l’eau (pour le thé, la lessive ou la toilette), mais également d’y faire brûler des barres en fer avec lesquelles les migrants se mutilent le
bout des doigts pour effacer leurs empreintes digitales. (Photo : Julie Rebouillat <http://www.contre-faits.org/spip.php?article78&textforum=x&pas=1&grande=18> , CC BY-NC-ND
<http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/> ) A l’occasion d’un reportage dans un squatt d’Erythréens à Calais, le photographe Graeme Robertson avait
de son côté, et pour le Guardian, fait cette photo <http://www.guardian.co.uk/world/gallery/2009/jul/30/eritrea-refugee-squat-calais?picture=350962497>  :
<http://www.guardian.co.uk/world/gallery/2009/jul/30/eritrea-refugee-squat-calais?picture=350962497

Cela fait maintenant 10 ans que je m’intéresse, en tant que journaliste, à la société de surveillance. J’ai donc vu passer des centaines des milliers de projets, technologies et politiques orwelliennes… et
les Big Brother Awards <http://www.bigbrotherawards.eu.org>  avaient nominé Steria, et Eurodac, dès 2003… Il n’empêche : d’aucuns pourront peut-être trouver cela “bizarre“, d’autant que les autorités -tout comme
les ONG- trouvent presque cela “normal” (au vu des nombreux autres problèmes qu’ils rencontrent ou suscitent “par ailleurs“), mais la révélation de ces mutilations est l’une de rares informations qui
m’ait vraiment choqué ces derniers mois… Voir Les “doigts brûlés” de Calais <http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2009-09-25-Calais> .
NB : l’expulsion de la “jungle” de Calais a permis à d’autres journalistes d’évoquer ces mutilations, qui viennent ainsi d’être évoquées dans l’émission Interception
<http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/interception/index.php?id=83110>  sur France Inter ce dimanche 20 septembre, ainsi que dans le Canard Enchaîné du mercredi 23 septembre, sous la plume de
Dominique Simonnot : Leurs doigts sont lisses, leurs paumes aussi. Empreintes effacées, brûlées. C’est à ce prix qu’on évite le renvoi prévu par les accords de Dublin, dans le pays d’Europe où l’on est déjà passé et fiché.
Certains “dublinisés” ont ainsi fait trois, quatre, cinq allers-retours entre la Grèce ou l’Italie et la France.

La technique de gommage est simple : “En Lybie, on les a cramés sur du plastique, rapporte un Ethiopien, mais ça colle et ça pue, les flics de Kadhafi l’ont senti tout de suite et nous ont battus !” Mieux vaut
poser ses mains sur un feu de bois ou sur du fer chauffé. Cicatrisation assurée en deux semaines… L’autre jour, Lily, la présidente de Terre d’errance <http://terreerrance.wordpress.com/> , l’association
de Norrent-Fontes, a prévenu un ami :
“- Bientôt, ils te prendront les empreintes des pieds…
- Je brûlerai mes pieds !
- Ils prendront ton oreille, c’est unique aussi…
- Je les couperai…”

Voir aussi l’effarant récit, que je découvre, et qu’en avait fait Lily en février dernier : Le menu du moment pour des dublinisables érythréens d’Italie…
<http://www.emi-cfd.com/echanges-partenariats/spip.php?article104> , et qui montre également comment les autorités se jouent de la loi, fichent (ou pas) les réfugiés, et se servent (ou pas) de leurs empreintes
digitales… Kafkaien : Voir des hommes et des femmes se brûler les doigts sur du fer rougi par les braises n’est pas une image facile à oublier. Comprendre pourquoi ils en sont arrivés à faire ça est encore moins facile à avaler.
Souvent dans la jungle, on entend :
“_Ha ! je vais me couper les doigts !
_Ils prendront la paume de ta main.
Je me couperai la main.
_Ils prendront tes pieds.
Je me les couperai.
Ils prendront ta rétine.”
Là généralement un charabia s’en suit dans une langue que l’on ne comprend pas.

Source TERRA :
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2009/09/26/calais-et-ses-refugies-aux-doigts-brules/#xtor=RSS-3208

8 octobre 2009

Les "doigts brûlés de Calais"

Article extrait du Monde Diplomatique de Septembre 2009

Les « doigts brûlés » de Calais  <http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2009-09-25-Calais>
Par JEAN-MARC MANACH, Journaliste.

Le ministre français de l’immigration, M. Eric Besson, a confirmé jeudi qu’il y aurait bien des expulsions de migrants arrêtés lors du démantèlement de la « jungle » de Calais, mardi 22 septembre. A cette annonce, les associations d’assistance aux réfugiés ont fait part de leur inquiétude, car la plupart d’entre eux sont originaires d’un pays en guerre, l’Afghanistan. Elles alertent aussi sur le fait que parmi ces dernières figurent des mineurs, déclarés majeurs au terme d’expertises médicales discutées. Quelque cent vingt-cinq mineurs officiellement reconnus comme tels ont également été interpellés et placés dans des foyers. Un fait lié à la situation des migrants demeure cependant peu connu et peu commenté : les pratiques d’automutilation auxquelles pousse le fichage européen. Un tiers des demandeurs d’asile reçus aux permanences de la sous-préfecture de Calais se mutilent les doigts afin d’y « effacer » leurs empreintes digitales. L’information, passée inaperçue cet été, émane de Gérard Gavory, sous-préfet de Calais, interrogé en juillet dernier par LibéLille : « Depuis le 5 mai, cent soixante-dix personnes ont été reçues aux permanences de la sous-préfecture, à raison de deux jours par semaine. Cinquante et une ont été identifiées par leurs empreintes digitales comme étant passées par les bornes Eurodac en Grèce et en Italie. Cinquante-sept ont des empreintes effacées. Trente et une ont reçu une autorisation provisoire de séjour, vingt-neuf sont déjà en Centre d’accueil pour demandeur d’asile».

Eurodac est un système automatisé de reconnaissance d’empreintes décadactylaires (les dix doigts plus la paume) répertoriant, au 31 décembre 2007, 1 005 323 demandeurs d’asile et immigrants clandestins âgés de 14 ans au moins. Objectif : identifier le pays par où ils sont entrés afin de pouvoir les y refouler, en vertu de la Convention de Dublin. Mis en application en 2007, le règlement Dublin II a comme objectif de limiter les demandes d’asile multiples dans l’Europe de Schengen. Ainsi, les autorités françaises ou britanniques expulsent régulièrement vers l’Italie ou la Grèce des réfugiés qui y avaient préalablement été fichés, pour que leurs demandes d’asile soient étudiées dans ces pays, ou qu’ils soient « refoulés » dans leur pays d’origine. Depuis deux ans, un nombre croissant de migrants font ainsi le choix de se mutiler les doigts afin d’en effacer les empreintes, espérant ainsi échapper au fichage d’Eurodac et au système de « réadmission » de Dublin II. Le fait est peu documenté. Et pourtant. En août 2008, Julie Rebouillat, du collectif de photo-reporters Contre-faits, publiait [une] photographie. « Continuellement, précisait la légende, un feu est gardé allumé. Il permet de chauffer l’eau (pour le thé, la lessive ou la toilette), mais également d’y faire brûler des barres en fer avec lesquelles les migrants se mutilent le bout des doigts pour effacer leurs empreintes digitales. » Toujours en 2008, Nathalie Loubeyre et Joël Labat réalisaient un documentaire, No comment(Grand prix du documentaire au Festival international du film des droits de l’homme en 2009). Deux séquences montrent comment des migrants se mutilent les doigts, au fer rouge, et au papier de verre.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, explique Nathalie Loubeyre, ce type de mutilations est largement connu de ceux qui aident ces migrants, non seulement parce qu’ils se mutilent devant eux, mais aussi parce qu’ils le font avant même d’entrer en Europe : « Tous les gens qui travaillent là-bas le savent depuis des années : ça se pratique depuis fort longtemps, et pas seulement à Calais… [Les migrants] veulent pouvoir demander l’asile dans le pays de leur choix, mais, à cause des accords de Dublin, leur but est d’être “vierges” aux frontières. Et donc, certains se coupent ou se brûlent les doigts avant même d’arriver dans l’espace Schengen, car ceux qui sont déjà fichés n’obtiendront pas l’asile. »
Dans son rapport « La loi des “jungles” <http://cfda.rezo.net/la%20loi%20des%20jungles.htm>  », consacré à l’après-Sangatte et publié en septembre 2008, la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) évoquait elle aussi, en note de bas de page, les propos de Lily Boillet, militante à Norrent-Fontes (un village du Pas de Calais), qui parle de « mutilations », décrit l’odeur de « cochon grillé » dégagée par les doigts brûlés et évoque le fait qu’avec Dublin, « les exilés ont vu leur corps se transformer en un élément qui joue en leur défaveur ».

En juillet 2009, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU constatait également qu’« afin d’éviter d’être renvoyés en Grèce ou ailleurs, des migrants et des demandeurs d’asile vont jusqu’à brûler le bout de leurs doigts avec des clous chauffés à blanc ou de l’acide sulfurique pour qu’ils ne puissent plus être identifiés via leurs empreintes digitales ».

En mars, Matthieu Millecamps, journaliste à Nord Eclair, relevait que les militants de Terre d’Errance, l’association de Lily Boillet, en étaient arrivés à surnommer « doigts brûlés » ceux qui décident ainsi de se mutiler pour éviter d’être fichés. L’article comparait également les destins de trois jeunes Erythréens qui avaient réussi à traverser l’Italie, la France, puis la Manche, pour atteindre Londres, et les problèmes kafkaïens auxquels ils étaient confrontés. Le premier avait été fiché en Italie ; il travaille avec un faux passeport, « parce que c’est la seule solution » ; ses doigts, brûlés, sont scarifiés, et ses empreintes le font « trembler à la vue d’un policier » : elles lui ont valu, par deux fois déjà, d’être renvoyé en Italie. Le second a vu ses empreintes fichées en Grande-Bretagne, il ne risque donc pas d’être refoulé dans un autre pays. Le troisième, lui, n’a même pas été fiché. Il a juste perdu un œil, d’un coup de barre de fer, lors d’une ratonnade à Calais…

Sylvie Copyans, de l’association Salam, qui œuvre aux côtés des migrants de Calais, confirme que« de nombreux migrants, principalement les Africains, se mutilent les doigts pour éviter d’être identifiés en se brûlant les doigts sur un bout de fer chauffé à rouge, avec de l’acide, avec du papier de toile émeri ». Un autre témoin de ces mutilations, qui préfère garder l’anonymat, précise que d’autres utilisent des rasoirs jetables pour se râper les empreintes — « peut-être moins douloureux que de se faire brûler les doigts, mais beaucoup plus long (il avait bien dû y passer l’après midi) ». Un fichage peu utile. Ces mutilations entraînent-elles des complications sanitaires ? Mansour, un jeune réfugié afghan qui travaille comme traducteur pour le service de santé des migrants de Calais (PASS), explique que certains ont effectivement des problèmes avec leurs mains, du fait des conditions d’hygiène difficiles, voire déplorables, qu’ils rencontrent dans les « jungles » où ils se réfugient. Sylvie Copyans relativise : « Il m’est très rarement arrivé de devoir soigner des brûlures de ce type. » Triste ironie, ces mutilations ne serviraient pas à grand chose : « les empreintes se reforment de toute façon. Cela ne fait qu’allonger des délais qui sont déjà importants dans la procédure de demande d’asile ». Cela amène certains migrants à renouveler la mutilation « environ une fois par mois »… De plus, précise Mansour, non seulement la police arrive souvent à retrouver leurs empreintes digitales, mais la Grèce a également commencé à ficher les empreintes de leurs mains. Ce qui amène certains réfugiés à se brûler désormais les paumes…

Ce fichage est-il utile aux autorités ? Le rapport d’évaluation du système Dublin, publié en juin 2007 et portant sur les années 2003-2005), permet d’en douter : non seulement le « décalage important » entre les informations transmises et reçues ne permettait pas de mesurer précisément l’efficacité du système, mais celles qui pouvaient être mesurées montrent que 42% des réfugiés fichés parviennent à échapper à la procédure de « réadmission » : « Plus de 55 300 requêtes ont été envoyées (soit 11,5% du nombre total de demandes d’asile - 589 499 - dans l’ensemble des Etats membres pour la même période). 72% de ces requêtes ont été acceptées, ce qui signifie que dans 40 180 cas, un autre Etat-membre a accepté d’assumer la responsabilité d’un demandeur d’asile. Toutefois, les Etats membres n’ont en réalité effectué que 16 842 transferts de demandeurs d’asile. »

La faiblesse des taux de transferts de demandeurs d’asile effectués par rapport à celui des transferts acceptés nuit considérablement à l’efficacité du système. Les Etats membres expliquent ce phénomène par le fait que les demandeurs d’asile disparaissent souvent après la notification d’une décision de transfert. Non contents de se mutiler les doigts pour ne pas être fichés, et ainsi espérer rester « invisibles » aux yeux des autorités, les réfugiés n’hésitent pas à disparaître, physiquement, dans la nature… Dernier point, et non des moindres : « Faute de données précises, il n’a pas été possible d’évaluer un élément important du système Dublin, à savoir son coût. »

8 octobre 2009

Clandestins : l’arme humaine de la Libye

Kadhafi est passé maître dans l’art de faire des hommes une monnaie d’échange, un objet de marchandage. L’affaire des otages suisses en est une illustration. Le contrôle par Tripoli du flux de réfugiés qui se déverse des côtes libyennes sur l’Europe en est une autre. A grande échelle. Sur fond de tragédies et de contrats portant sur des milliards

Par Yves Lassueur

Voir en ligne : http://www.illustre.ch/clandestins_humaine_de_la_libye_2569_.html

L’histoire résonne encore de pleurs, de hurlements et de protestations désespérées. Elle remonte au 6 mai dernier. Ce jour-là, trois embarcations de fortune abritant 227 immigrés partis de Libye pour tenter de rallier l’île italienne de Lampedusa et y demander l’asile sont interceptées par des vedettes de la Garde des finances italienne. Leurs occupants imaginent qu’ils vont être conduits vers une côte européenne. Erreur. Ils sont ramenés sans autre forme de procès à leur point de départ, sur la côte libyenne, et cela sans que Tripoli s’y oppose.

C’est une première. Une journée « historique », comme le proclame le ministre italien de l’Intérieur, Roberto Maroni. Jusque-là, depuis des années, la Libye refusait de réadmettre sur son territoire les boat people partis de chez elle et cueillis en mer par les douaniers italiens. Embarqués sur des rafiots, ceux qui ne périssaient pas en mer finissaient par accoster sur l’île de Lampedusa, où une part d’entre eux, en tout cas, obtenait le statut de requérant.

C’est fini, ou à peu près. Depuis cette journée historique du 6 mai, des centaines d’autres migrants entassés sur leurs esquifs ont été ramenés de la même façon à leur point de départ, tandis que d’autres encore, impossibles à quantifier, étaient tout simplement empêchés de prendre la mer par la police libyenne.

Traité d’amitié

Un vrai tournant. Comme si les vannes du trafic humain entre la Libye et l’Europe s’étaient soudainement fermées. Deux chiffres en disent long : entre le 1er mai et le 30 août 2008, 14 000 clandestins ont débarqué à Lampedusa. Cette année, pendant les quatre mêmes mois, leur nombre est tombé à 1300. Dix fois moins.

Ce n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat d’un accord, signé en Libye le 30 août 2008 entre le colonel Kadhafi et le premier ministre italien Silvio Berlusconi. Baptisé Traité d’amitié, de partenariat et de coopération, il prévoit le versement par l’Italie de 5 milliards de dollars sur vingt ans, sous forme d’investissements dans des projets d’infrastructure en Libye, notamment la construction d’une autoroute traversant tout le pays et l’érection de nombreux logements. En contrepartie, la Libye s’engage à lutter « contre le terrorisme (...) et l’immigration clandestine ».

« En Libye, le trafic de clandestins repose sur une vaste affaire financière » Hassan, réfugié libyen en suisse

Le marchandage - pour ne pas dire le chantage - exercé par Kadhafi a porté ses fruits. « L’homme a toujours joué habilement avec l’ouverture et la fermeture de ses frontières selon les avantages qu’il cherche dans ses négociations avec l’Europe, résume la coordinatrice du réseau Migreurop, Sara Prestianni, à Paris. Quand il veut obtenir des fonds, il ouvre les vannes et laisse les migrants partir en nombre vers l’Europe. Quand il a obtenu ce qu’il veut, il met le holà à ce trafic. Et, quand il a de nouveau besoin de capitaux, il rouvre le robinet. »

Une thèse que complète le Libyen Hassan Al-Djhami, opposant au régime de Tripoli réfugié en Suisse depuis cinq ans : « Tout le trafic de clandestins repose en Libye sur une vaste affaire financière. Ceux qui ponctionnent de l’argent auprès des migrants sont tous des proches du pouvoir. Tous font partie du Mouvement des comités révolutionnaires de Kadhafi. »

Rackets

Et pour payer, ces migrants paient. Ils viennent de Somalie, d’Erythrée, d’Ethiopie, d’Afrique noire, du Maghreb. Les étrangers sont 1,8 à 2 millions en Libye, soit le tiers de la population. Parmi eux, seule une petite minorité de 600 000 personnes seraient en possession d’un permis de travail et de titres légaux. Fuyant la misère ou la guerre, beaucoup d’entre eux voient dans la Libye un premier eldorado où gagner de quoi payer leur passage vers cette pseudo terre promise qu’est l’Europe.

Pour entrer en Libye, ils paient ; aux frontières, la corruption règne en maître. Les migrants doivent graisser la patte des douaniers. Bien plus tard, pour quitter le pays sur leurs embarcations de fortune, ils paient. Les passeurs exigeraient 600 à 800 euros par passager. Des passeurs dont tout laisse penser qu’ils sont de mèche avec la police.

Entre deux - arrivée en Libye et départ - s’écoule souvent plusieurs années pendant lesquelles le migrant travaille ou trafique vaille que vaille. Il est domestique, employé sur un chantier ou dans les services de voirie. Souvent mal payé, mal traité, méprisé. Certains se font dealers, voleurs, prostitués. En butte à l’ostracisme, beaucoup croupissent dans des centres de rétention pleins à craquer où les mauvais traitements, les coups, les menaces et les viols sont monnaie courante. Pour en sortir, ici encore, il faut payer.

Cette masse humaine aspirant à frapper aux portes de l’Europe alors que l’Europe n’aspire qu’à la repousser, Kadhafi a compris depuis longtemps le parti qu’il pouvait en tirer. « Entre le Vieux Continent et la Libye, écrivait Le Monde en octobre 2008, l’immigration est désormais le principal sujet de marchandage. » Depuis lors, le traité entre l’Italie et la Libye est entré en vigueur et, s’agissant des engagements pris de contenir le flux de clandestins vers l’Europe, Kadhafi semble tenir parole. La chute vertigineuse du nombre de migrants arrivés montre qu’il est en mesure d’actionner les clés de ce trafic quand il le veut et dans le sens qu’il souhaite.

Cauchemar humanitaire

Trop content de voir l’Italie juguler ce flux au prix d’un traité, le reste de l’Europe se tait et fait mine de regarder ailleurs. Au grand dam des organisations de défense des droits de l’homme, comme le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), Médecins sans frontières ou Migreurop, pour lesquels ces barrières dressées sur la route des migrants aboutissent à un cauchemar : l’externalisation de la politique d’immigration de l’Europe. En acceptant ces pratiques, condamnent- elles, on foule aux pieds les droits élémentaires des candidats à l’asile. On les renvoie dans un pays qui n’a jamais signé la Convention des Nations Unies sur les réfugiés et se voit régulièrement critiqué pour les mauvais traitements qu’il inflige aux immigrés.

Indignation ou pas, Muammar Al-Kadhafi manie maintenant le pipeline migratoire à la convenance de l’Italie et de l’Europe. La seule question est de savoir combien de temps cela va durer avant qu’il décrète que de nouveaux besoins en capitaux, en technologie ou en excuses l’obligent à rouvrir les vannes. En matière d’armes humaines, le colonel est imprévisible. C’est au moins une vérité que la Suisse et ses otages ont appris à connaître.

28 septembre 2009

Simulacre de justice à Nîmes pour les Afghans : toutes les requêtes sont rejetées

Simulacre de justice à Nîmes pour les Afghans : toutes les requêtes sont rejetées.

Suite samedi à partir de 8h au TA.

Le procureur ayant fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention, 14 afghans sont donc passés aujourdhui devant le tribunal administratif. Les audiences avaient lieu dans 2 salles, avec 2 juges au comportement bien différent. Mais le résultat fut le même : toutes les requêtes ont été rejetées. Tous les afghans sont retournés au CRA.

Les audiences reprennent samedi à partir de 8h, au tribunal administratif (grandes grilles grises à droite juste en sortant de la gare).

Nous devons être présents pour témoigner !!!

Ce qui sest passé aujourdhui au TA de Nîmes fut HALLUCINANT ! Une parodie de justice, expéditive, scandaleuse, honteuse, révoltante !

Expéditive : 5 personnes convoquées par heure, soit 12 mn prévues pour chacune dentre elles !

Scandaleuse : interprète incompétent, dossier égaré, avocats débordés, refusant de traiter des dossiers quils navaient pas eu le temps dexaminer.

Honteuse : TOUTES les requêtes ont été rejetées, y compris les demandes de reconnaissance de minorité, y compris les demandes dasile, par manque de preuve !

Révoltante : Nous devons dénoncer ce qui sest passé !

Jusquen milieu daprès-midi, linterprète présent ne maîtrisait pas le pashtou, langue parlée par la grande majorité des afghans présents à Nîmes, mais seulement le dali (les 2 langues officielles de lAfghanistan). Lorsque linterprète a bien voulu reconnaître son incompétence, cela na pas empêché le juge de maintenir laudience en cours. A lobjection dun avocat, Mme la juge a répondu, agacée : « oui, on a bien compris quil y avait un problème de traduction ». Et laudience sest poursuivie ! 

Lorsquenfin un interprète est arrivé, un des juges a accordé le temps nécessaire aux avocats pour sentretenir avec les 5 personnes quils défendaient. Quant à Mme la juge, elle a généreusement accordé 30 mn pour les 5 personnes présentes : soit 6 mn par personne, 6 pauvres minutes pour raconter à leur avocat, via linterprète, le parcours infernal qui avait été le leur, pourquoi ils avaient quitté leur pays, les menaces qui pesaient sur eux et sur leur famille, certains étant menacés de mort par les talibans, dautres par le gouvernement actuel (leur père était taliban), dautres encore par les deux à la fois ; comment ils étaient passés par la Grèce, où leurs empreintes digitales avaient été enregistrées, souvent de force ; pourquoi ils navaient pas déposé une demande dasile à leur arrivée en France, on leur avait expliqué quils ne devaient pas déposer une demande dasile car ils seraient renvoyés en Grèce où les demandes dasile sont rejetées ; pourquoi ils seraient en danger sils retournaient en Afghanistan. « Si vous me renvoyez en Afghanistan, je me suiciderai » a dit lun deux. Certains ont dit avoir 16 ans, 17 ans : sans doute nont-ils pas pu le dire avant, faute dinterprète. Certains sanglotaient désespérément, effondrés sur le banc des accusés (cest comme ça que ça sappelle non ? Le banc des accusés. Voilà comment sont considérés ces demandeurs dasile : des accusés.)

Pour chacun dentre eux, lavocat a plaidé lincompétence du Préfet qui a rendu lAPRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière). En effet, les afghans ont été arrêtés dans le département du Pas de Calais sous le motif doccupation illégale dun terrain privé. Mais le constat de lirrégularité de leur séjour (absence de papiers) a été fait dans le département du Nord. Et cest le Préfet du Pas de Calais qui a signé lAPRF. Or lAPRF doit être rendu dans le département où a été constaté lirrégularité du séjour. Ce constat na pas été fait à Calais, mais à Lille. Dailleurs plusieurs personnes ont été relâchées à Lille lorsquon a découvert quelles étaient en possession de papiers. Bien sûr ils ont aussi plaidé le fait que lAfghanistan était un pays en guerre, etc etc.

Pour ceux qui avaient bénéficié de lassistance dun interprète maîtrisant leur langue, certains avocats ont pris le temps de raconter le parcours terrible qui avaient été le leur : un jeune de 18 ans dont le père, commandant dune organisation islamiste (considérée comme terroriste), avait disparu, et lui était menacé à la fois par les islamistes qui lui demandait de « remplacer » son père comme le veut la tradition, mais aussi par les forces gouvernementales qui le considéraient comme un islamiste ; un jeune de 17 ans, arrivé il y a 7 mois en France, dont le père, officier de sécurité, avait été tué par les talibans : sa voiture avait explosé sous une bombe, et la famille navait récupéré que « des morceaux » du corps. Ces deux jeunes, héritiers des engagements politiques opposés de leur père, se serraient lun contre lautre, apeurés, penchés vers linterprète qui traduisait en chuchotant les paroles de lavocat. Et puis dautres encore : un écrivain trop engagé, un autre jeune de 16 ans, deux autres dont les frères ont été tués Tous disaient quils avaient fui leur pays car ils y étaient en danger. 

Mais à quoi bon finalement ? Cest vrai que la présence de linterprète nétait pas indispensable puisque finalement TOUS LES RECOURS ONT ETE REJETES, Y COMPRIS LES DEMANDES dASILE ! Y compris les demandes de vérification de lâge pour les mineurs. 

Mme la juge a simplement rejeté les requêtes, sans explication.

M. le juge a estimé que le constat de lirrégularité du séjour avait bien eu lieu dans le Pas de Calais. De plus la demande dasile nétait étayée par aucun élément dans le dossier, le récit oral ne suffisait pas. Il a rajouté : « désolé, je ne peux pas faire autrement. Ils peuvent faire appel, mais les délais sont trop longs : ils seront déjà en Afghanistan. Tout est trop tard ».

Je sors du tribunal. La nuit est tombée. Je tremble, deffroi plus que de froid. De révolte aussi. Non, tout nest pas trop tard ! Nous ne pouvons pas accepter cette parodie de justice. Les expulsions collectives sont interdites, mais ce qui sest passé, aujourdhui au tribunal administratif de Nîmes, hier dans la jungle de Calais, rentre bien dans cette logique de traitement de masse : arrestations en masse à Calais, procédure durgence déclenchée à Nîmes où près de 40 personnes sont jugées de façon expéditive, sans que les moyens nécessaires à un traitement véritablement individuel soient permis : la parole de chacun ne peut être entendue faute de traducteurs et faute de temps. Bien sûr il y a Dublin II, il y a lEurope Forteresse, et les Droits de lHomme bafoués tous les jours. Mais aujourdhui à Nîmes un pas de plus a été franchi : ces hommes avaient déjà été jugés avant même de passer devant le tribunal. Tout était déjà trop tard avant même quils ne soient jugés !

Les audiences se poursuivent demain : nous devons être présents pour témoigner de ce simulacre de justice !

Ah, joubliais : les mineurs (déclarés mineurs avant le JLD) ont bien été hébergés dès leur arrivée dans des foyers. Sauf. sauf ceux qui avaient la gale, qui ont été jetés à la rue, pieds nus, à 1h du matin. Ils ont été pris en charge par la Cimade.

Et puis quand même une bonne nouvelle : un afghan a été relâché hier. Il avait fait sa demande dasile politique AVANT de passer devant le JLD.

Voilà, cest juste une réaction rédigée très rapidement, un compte-rendu plus détaillé, complété par les notes prises par dautres témoins (dont Gilbert et Suzanne, venus du fin fond du Vaucluse) suivra.

Pascale 

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28 septembre 2009

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